Письма к императору Александру III, 1881–1894 - читать онлайн книгу. Автор: Владимир Мещерский cтр.№ 98

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Онлайн книга - Письма к императору Александру III, 1881–1894 | Автор книги - Владимир Мещерский

Cтраница 98
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Une Irlandaise qui trainait neuf enfants énuméra les gibets par lesquels on avait essayé jadis d’étouffer la revolution de féniane [382]. Elle raconta ensuite l’histoire de son homme, pendu pour avoir voulu être libre. Un philosophe monta sur une borne et expliqua pourquoi l’Angleterre chérissait sa religion d’Etat et par quels moyens elle cherchait à éterniser un compromis impossible entre la servitude et la liberté. Un étudiant lui répondit en faisant l’apologie des «hommes de métier», une des plus épouvantables menaces pour l’Angleterre, et en affirmant que le rôle des jeunes était d’étudier les pulsations du corps social. Les travailleurs marchaient toujours, grossissant comme un fleuve après l’orage.

Cette marche ascendante voulait dire: «Angleterre, prends garde à toi! Ta féodalité tend à disparaître. Tes Eglises ont moins de privilèges. Le keltisme irlandais fusionne avec l’anglo-saxonisme. Les conservateurs, les Anglicans, les vieux torys sont des pots de terre contre lesquels se heurtent impitoyablement les whigs, les nouveaux radicaux, les antianglicans, et les ritualistes. John Stuart Mille vit dans tous les coeurs. L’ouvrier ne veut plus être un “rude”, un “ours”, un “grossier”, un “impoli”. Enfin, ta monarchie chancelle, ébranlée par des mains invisibles!»

* * *

Cependant le prince de Galles descendait à Paris. Dans quel but? Pour y contracter un emprunt de 50,000 liv. sterl. Le prince est dans la dèche, comme le roi wagnérien [383]. Il n’est pas le seul en Europe.

Il paraît que les affaires royales ne vont pas très bien. Il y a une baisse sensible sur les valeurs émises par les têtes couronnées. On a beau décupler les impôts, le résultat est le même. Les portiers de Palais sont inondés de papier timbré. Chaque fois, on saisit un sceptre ou on menace de vendre un trône sur le seuil de la porte du gouvernement. Ce serait à changer de métier, si les princes n’y mettaient pas un amour-propre exagéré et si dans les familles royales il n’y avait pas ce qu’ils nomment des traditions.

Savoir qu’on régnera un jour sur les Indes, et se voir réduit à faire des billets à un usurier, ce doit être désagréable. Subir la familiarité de Schylock [384] quand on est le premier citoyen de Londres est une épreuve difficile. Passer par les fourches caudines [385] d’un agent véreux qui fait sonner Votre future couronne afin de s’assurer si elle n’est pas fourrée et qui se renseigne dans le cas où Votre Magesté serait hypothéquée, cela provoque aisément l’humiliation et la rancune. Que voulez-vous! La vie a de ces exigences. Vous en voyez la preuve. Il ne faudrait pas croire pourtant que le prince de Galles en fût réduit à mettre au clou un morceau de la corde de John Brown. Il n’en est pas encore à l’impériale de l’omnibus. Une personne qui le voyait de près, l’autre jour, m’assure que le prince avait la gaieté d’un homme certain de dîner le lendemain. Cette personne ne se trompait pas, puisque, vingt-quatre heures après, notre prince faisait à un de ses sujets, lord Dupplin, l’honneur de risquer contre lui au baccara l’honnête somme de deux cent cinquante mille francs et l’honneur de la lui gagner. Lord Dupplin, hors d’état de payer, s’est brûlé la cervelle en rentrant chez lui.

Les rois sont moins scrupuleux quand ils font faillite.

* * *

Tant pis pour lord Dupplin! Il ne m’intéresse que médiocrement. Le prince de Galles m’importe davantage. Ce prince étalant deux cent cinquante mille francs sur un tapis vert, tandis que le peuple qui sera le sien demain hurle la faim est un potentat digne de la mériter l’attention du chroniqueur. La façon dont les échos de Londres se sont traduits à Paris est vraiment curieuse.

Le peuple dit:

– Du pain!

Le prince répond:

– Des cartes!

La foule murmure:

– Du travail!

Le prince répond:

– Coupez.

L’émeute crie:

– Hommes, femmes, enfants, vieillards, nous tremblons de froid, nos estomacs nous torturent, la maladie nous ronge!

Le prince répond:

– J’en donne.

La revolution hurle:

– Vengeance!

Le prince répond:

– J’ai neuf!

Et il abat un neuf comme une tête.

Cela est bien.

Cela est tout à fait princier.

Au bord de la Tamise, Londres gronde:

O, Dieu, qui fis l’atôme et le Léviathan,
Seconde en la bonté notre sainte entreprise.
Fais, pour manifester ton pouvoir qu’on méprise,
Que du sein de Cromwell ce fer sorte fumant.
Guide nos coups, Dieu bon! Dieu sauveur! Dieu clément!
Qu’ainsi tes ennemis soient livrés au carnage!
Puisque nous te rendons ce pieux témoignage,
Dans nos mains, sur nos fronts, fais resplendir, ô Dieu,
Tes glaives flamboyants et tes langues de feu! [386]

Au bord de la Seine, Mlle Réjane, dévorant le prince des yeux, lui récite un compliment de circonstance, un compliment en vers, s’il vous plaît, bien que madapolam y rime avec arquebuse. L’opposition me plaît.

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